Comprendre les miellées est un besoin essentiel pour chaque apiculteur. Ou plutôt tâcher de les comprendre, tellement le sujet peut devenir complexe. Les apiculteurs professionnels développent au fil des années ce savoir-faire critique pour leur exploitation. Les apiculteurs de loisir démarrent avec quelques rudiments et essaient d’affiner leur perception par une observation plus ou moins approfondie.

Suivre les floraisons

Un des attraits de la pratique de l’apiculture, c’est qu’elle vous immerge dans la nature. Vous devenez un observateur averti de l’écosystème car vos abeilles en sont largement dépendantes.

Au bout d’une saison de pratique, vous assimilez aisément le calendrier des floraisons. En mars le Cerisier, en avril le Pommier et le Colza, en mai l’Acacia, en juin le Châtaignier et le Tilleul… Puis en août c’est la disette… Des bibliothèques publiques comme Apibotanica (INRAE) ou le repertoire de France Agrimer sont des excellents ressources pour consulter les dates de floraison théoriques.

Ce suivi attentif de votre milieu naturel vous permettra de percevoir des événements qui passent inaperçus aux non-initiés. Mais suivre les floraisons ne veut pas dire comprendre les miellées…

Fleurs vs miellées : condition nécessaire mais pas suffisante

Avoir des fleurs n’implique pas nécessairement l’existence de nectar, et donc de ressources pour les abeilles. En effet, de nombreux facteurs conditionnent l’existence d’une miellée : la température et l’humidité ambiantes, les dernières pluies et leur intensité, la variété ou encore la profondeur des racines pour des plantes comme le colza ou le tournesol.

La miellée n’est pas acquise, ni aisée à identifier. D’autant plus que vous n’allez pas monter la garde sous le pommier de votre voisin pour voir les abeilles venir le butiner !

Mesurer l’évolution du poids pour comprendre la miellée

Une ruche avec une balance connectée vous donnera des informations bien détaillées du comportement de la colonie. D’un simple coup d’œil, il devient possible de suivre le déroulement des miellées, leur intensité et les périodes de disette.

Ces courbes fournissent le poids brut de la colonie. Elles intègrent les différents nourrissements, ajouts et retraits d’éléments sur la ruche. En outre, il n’est pas toujours aisé de savoir précisément le poids gagné ou perdu dans la journée, du fait de la propre dynamique de la colonie avec des abeilles qui sortent le matin, reviennent le soir, déshydratent la nuit…

C’est pour isoler le travail des abeilles uniquement que nous avons développé dans MyBroodminder le Calendrier des Miellées. Il s’agit d’un outil qui permet de suivre la productivité de chaque colonie équipée d’une balance. Les variations de poids sont scrutées chaque jour, en retirant les effets non associés aux abeilles pour restituer la production nette journalière.

Calendrier des miellées

Disposant d’informations journalières, ce n’est plus un simple “début et fin de floraison” qui est suivi. Bien au contraire, les informations sont beaucoup plus riches. C’est un suivi journalier du déroulement de la miellée avec ses accélérations et ses coups de frein.

Calendrier des miellées d’une colonie. Les cercles verts indiquent un gain de poids, les rouges une perte de poids. Leur taille représente la quantité gagnée ou perdue chaque jour.

Au-delà de l’aspect ludique de cette visualisation des données, il s’agit d’un réel outil d’aide à la décision. Il permet de juger du moment opportun pour installer une nouvelle hausse ou, au contraire, de soutenir une colonie en manque de réserves.

L’apiculture de précision transforme la pratique de l’apiculture. Comprendre les miellées est un atout pour chaque apiculteur. De cette façon, il peut se rapprocher du milieu environnant pour une pratique plus précise, plus intense.


Retour sur la miellée tilleul/châtaigner de 2020

Dans mon rucher des Pyrénées Atlantiques, cette année la miellée de châtaignier est venue se combiner avec celle du tilleul. J’ai vu des châtaigniers hâtifs fleurir avant le tilleul tout comme des châtaigniers tardifs terminer après. Pas facile de faire le tri, de qui a miellé et quand !

Début de floraison Fin de floraison
Châtaignier hâtif 20 Mai 14 Juin
Tilleul 9 Juin 28 Juin
Châtaignier tardif 10 Juin 5 Juillet
Dates observées de début et fin de floraison

La période de floraison totale s’étend du 20 mai jusqu’au 5 juillet environ. Mais dans les faits, la récolte de nectar démarre le 27 mai et se termine le 2 juillet. Le calendrier de productivité, ci-dessous, montre également que tous les jours ne se valent pas dans cette période. La deuxième quinzaine de juin a produit la grande majorité de la récolte (survoler le graphique avec la souris pour voir les informations contextuelles).

Les gains ou pertes sont liés aux floraisons, autant qu’ils le sont à la météo. Lorsque les fleurs sont là, la météo va conditionner la suite. Par exemple, la miellée de châtaigner qui a eu lieu fin mai peut être associée avec une semaine de grand beau temps. Les abeilles ont rentré de 0,6 à 1,2kg/jour.

Les deux semaines de début juin ont été plus mitigées. Sûrement à cause de la pluie récurrente (260mm au total) qui a certainement limité les sorties des abeilles et la sécrétion. Toutefois la pluie a humidifié les sols et préparé la miellée qui allait suivre…

Effectivement, les abeilles se sont rattrapées les deux semaines suivantes. Avec un ciel généralement couvert et des températures maximales allant de 18 à 30°C, les abeilles ont bien travaillé chaque jour sans exception, rentrant de 2,0 à 2.5kg/jour.

Zoom sur la miellée de tilleul

En regardant les graphiques, on peut dire avec certitude que la semaine du 14 juin a été LA semaine du tilleul. Souvent, on me demande si la production d’une ruche est semblable à celle de ses voisines. Il se trouve que dans ce rucher, plusieurs ruches sont équipées de balances, voyons comment chaque colonie s’est débrouillée sur la période :

On voit ci-dessus que toutes ces colonies ont fait une bonne récolte. Toutefois, sur ce graphique les poids de départ ne sont pas identiques et il est difficile d’en comparer les évolutions.

Avec une représentation calendaire, on visualise un peu mieux l’intensité de la miellée dans chaque colonie :

Intensité de la miellée sur 4 ruches d’un même rucher

Dans l’ensemble, on voit une progression croissante de l’intensité de la miellée selon l’avancée de la semaine. Le week-end du 20 juin en est le point culminant. Néanmoins, il y a des différences entre les colonies qui vont du simple à plus du double en termes de production. Chaque colonie a rentré cette semaine entre 4 et 11 kg de nectar.

Pour conclure sur la miellée

Comprendre les miellées est un atout majeur en apiculture. L’observation de terrain peut avantageusement être complétée par des mesures obtenues à l’aide de ruches équipées de balances connectées. L’interprétation des événements devient ainsi bien plus concise. Atteindre un autre niveau de compréhension du comportement des abeilles est alors possible.


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