L’essaimage est le mode de reproduction de la colonie. Toutes les ruches sont programmées pour essaimer. L’apiculteur s’efforce de contrôler cette mécanique millénaire pour assurer une meilleure production. Il existe des techniques et méthodes destinées à maîtriser l’essaimage : tout apiculteur les exécute selon ses connaissances. Il applique des actions préventives en espérant qu’elles auront l’effet escompté. Toutefois, c’est la nature qui décide de la suite, sans que l’apiculteur en soit informé.

La bonne nouvelle, c’est qu’il est maintenant possible de connaître très précisément les agissements de la colonie. Lorsqu’on mesure sa dynamique, on découvre des événements insoupçonnés et, parfois, carrément au delà de ce qui est dans les livres. Ces nouvelles informations ouvrent la possibilité d’une meilleure compréhension de la ruche et partant de mieux contrôler l’essaimage.

Techniques courantes pour contrôler l’essaimage

Les techniques visant à maîtriser l’essaimage concernent majoritairement des interventions sur la colonie. Les principaux paramètres qui incitent une ruche à essaimer sont le manque d’espace, l’âge de la reine ou encore sa race. L’écosystème et les conditions climatiques ont également un impact.

En apiculture on cherche à influer sur ces paramètres clés. Ajouter une hausse ou des cadres à bâtir permet d’élargir le volume et le travail à effectuer par la colonie. Introduire des reines jeunes est également une pratique courante. Une reine de l’année a 2 à 3 % de chances d’essaimer; une reine n+1 en a 20% et une reine n+2, 50%. La destruction des cellules royales est également une pratique courante. Elle nécessite une manutention importante et ne suffit pas nécessairement à empêcher l’essaimage si la colonie y est engagée.

Sans aucun doute les divisions ou essaims artificiels sont une des meilleures manières de contrôler la dynamique des colonies. En dégonflant drastiquement la colonie, celle-ci est contrainte de se refaire et de cette façon “oubliera” de se reproduire.

Chaque apiculteur s’approprie quelques-unes de ces techniques et les applique selon ses connaissances et du mieux qu’il peut. Il espère toujours qu’elles auront l’effet escompté, sans jamais savoir ce qu’il en adviendra vraiment. Il peut soupçonner un éventuel essaimage lors d’une inspection, mais ça ira rarement au-delà. D’où la question : usqu’à quel point peut-on maîtriser une technique pour prévenir un essaimage alors qu’on ne sait en mesurer les critères que très grossièrement ?

Le monitoring des ruches peut apporter une réponse à cette question.

Un outil pour apprendre, enfin, à mieux maîtriser l’essaimage ?

Ce printemps nous avons suivi plusieurs ruches équipées de capteurs internes et de poids. La période des essaimages arrivée, nous avons appliqué les procédures courantes contre l’essaimage. Une des ruches concernées par ces interventions était la ruche R7.

La ruche R7 est une colonie de 2019. La reine marquée en vert a tout juste 12 mois. En principe, elle devrait avoir une tendance moyenne de 20% à l’essaimage . Pourtant, dès le début de la saison, elle se montre super dynamique, avec des niveaux de couvain qui dépassent ses congénères du rucher.

Dynamique de la colonie et chronologie des essaimages – exemple de conduite avec la ruche R7

Le 15 mars alors qu’elle atteint 60% de couvain, a lieu la première division. De ce fait, deux beaux cadres de couvain sont prélevés et mis en ruchette. Objectif : calmer ses ardeurs.

Le 8 avril est opérée la 2ème division avec deux nouveaux cadres de couvain prélevés. De surcroit, dans la même inspection, une hausse est également ajoutée afin d’apporter plus de volume. Ce jour-là, j’ai commis l’erreur de ne pas inspecter tous les cadres à la recherche de cellules royales. Je le sais maintenant, au vu des événements qui ont suivi.

Le 1" avril a eu lieu le premier essaimage. Un essaim de 3,1 kg d’abeilles abandonne la ruche.

Le 18 avril, lors d’une inspection, nous constatons des abeilles sur 4 cadres de la hausse et un début d’entrée de nectar. La colonie travaille.

Oui mais, le 23 avril a lieu un deuxième essaimage !

Et le 28 avril un 3ème essaimage qui a complètement vidé la ruche !

Il n’est pas resté une seule abeille dans la hausse. La population est vraiment réduite. Le couvain est revenu au stade de fin mars.

Évolution du couvain entre début mars et début mai associée aux événements que la ruche a subi. Le premier essaimage est celui de la reine de l’année précédente. Suite à ce premier essaimage, le couvain entame une baisse prononcée. Puisque aucune des nouvelles reines vierges ne reste dans la colonie, le couvain continue sa descente.

Bilan des opérations

Cet exemple illustre à quel point les actions que l’apiculteur croit réaliser n’ont pas toujours les effets escomptés. En fin de compte nous sommes en présence d’une ruche qui a été prélevée de 2 fois 2 cadres, en ajoutant des cires gaufrées. Elle a une reine jeune d’ 1 an, avec un espace suffisant (avec ce recul, il aurait fallu mettre la hausse quelques semaines auparavant, quelles qu’en soit les divisions). Malgré toutes nos interventions, la colonie essaime non pas une, mais 3 fois.

Une vue condensée de la période, pour la ruche R7. A gauche le niveau de couvain qui s’affiche à des valeurs très hautes, de l’ordre de 90%. C’est à ce moment-là qu’ont lieu les essaimages, comme le montre le calendrier de droite. Les lèves-cadres rouges indiquent les deux divisions de la colonie.

Maîtriser l’essaimage à l’aide des données – Leçons apprises.

Sans les mesures, l’apiculteur n’aurait jamais su que la ruche a essaimé trois fois en moins de 15 jours. C’est la part intéressante de cette expérience. Au mieux, sa réflexion se serait réduite à un simple “mince elle doit avoir essaimé !"

Jamais il ne serait parvenu à ces deux conclusions : “j’aurais dû mettre la hausse plus tôt” et en raison du très fort volume de couvain, début avril (alors qu’il a plu très souvent), “j’aurais dû réaliser une recherche de cellules royales”.

Grâce à la connaissance détaillée de ces événements, l’apiculteur a la possibilité de percevoir les “erreurs” commises. Ainsi que ses axes d’amélioration. Comme disait. As Lord Kelvin said, “C’est lorsqu’on mesure, qu’on sait dire quelque chose à propos de ce qu’on fait“.

Cette expérience et celles conduites ailleurs permettent d’arrêter quelques usages pratiques :

  • Diviser systématiquement les ruches qui atteignent 60% de couvain.
  • Suivre les ruches du rucher dans leur ensemble. Comparer leurs dynamiques respectives et se méfier de celles qui “sur-performent”. Elles risquent de “sous-performer” à l’arrivée !!
  • Après la première division, si la ruche n’accuse pas de baisse de % de couvain, elle pourra être divisée une deuxième fois.

Soyons humbles. Malgré le suivi de ces conseils, il se peut que la nature en décide tout autrement. Lorsque rien de tout cela ne suffit à maîtriser l’essaimage, il reste le Plan B : attraper l’essaim.

Techniques de monitoring appliquées à la détection de l’essaimage

Une ruche équipée d’une balance permet de visualiser les essaimages sur les courbes de poids. C’est le cas pour la ruche R7 qui dispose d’une balance BroodMinder-W. Balance BroodMinder. Chaque essaimage y est parfaitement identifiable.

essaimages sur courbe de poids ruche

Mais les mesures qui illustrent cet article ne sont pas issues de la balance. Il faudrait, alors, envisager d’équiper toutes les ruches de balances électroniques, ce qui n’est pas viable. Ce sont les sondes de couvain internes de la ruche BroodMinder T2 associés à l’algorithme BSwarm de Mellisphera qui fournissent ces informations. Ces petits capteurs internes, qui mesurent la température, suffisent dans la majorité des cas à identifier l’essaimage.

sonde de couvain dans la ruche

En effet, lorsque la colonie essaime elle arrête de réguler sa température. Cette variation est détectable et permet d’identifier l’événement.

L’avantage de ce type de capteur est d’être financièrement bien plus abordable qu’une balance. Par ailleurs, c’est également ce capteur qui fournit les informations permettant de calculer le volume de couvain de la colonie, avec un autre algorithme qu’on appelle BForce..

T2-SwarmMinder, un outil enfin disponible pour maîtriser l’essaimage !

Quel apiculteur n’a pas rêvé de savoir quand une ruche essaime ? Mieux encore, en détecter les prémices deux ou trois jours avant ?… C’est un rêve désormais accessible ! Ce printemps BroodMinder a dévoilé le nouveau T2-SwarmMinder. Il s’agit d’un capteur T2 “classique” mais avec un nouveau micrologiciel. Il embarque un algorithme de détection de l’essaimage ou plus précisément d'”événements de température“. En effet, lors de sa mise au point démarrée au printemps 2019, nous avons découvert qu’il détectait plusieurs types d’événements…

La suite au prochain article !


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